En Italie, dix politiciens jugés homophobes se font sortir du placard

  

Cathy Macherel
Ils avaient menacé, ils ont osé. Des activistes du Net, œuvrant pour le compte de militants homosexuels, ont publié hier sur un site Internet les noms de dix politiciens italiens dont la caractéristique est d’afficher des positions contraires aux intérêts de la communauté gay, voire de tenir publiquement des propos homophobes, mais qui par ailleurs n’hésiteraient pas, la nuit, à fréquenter ce même milieu… Parmi ces dix politiciens, un ministre, le président d’une région, et une brochette de proches de Silvio Berlusconi. Et les auteurs de l’opération de promettre de continuer à la moindre attaque: personnalités publiques, ecclésiastiques, la liste des possibles serait longue.

Annoncée il y a une dizaine de jours, cette opération de «outing» a fair vivement réagir hier, à commencer par les principaux intéressés, oscillant entre démenti ironique et menace de dépôt de plainte. Mais elle divise aussi la communauté gay. A Rome, le président de l’association Arcigay l’a fermement condamnée, soulignant qu’«on ne peut pas dénoncer les discriminations et les violences en recourant aux mêmes armes, et qui plus est de manière anonyme». Mais d’autres n’ont pas manqué de relever que ces moyens, certes extrêmes, sont la conséquence directe de la manière dont les homosexuels sont traités en Italie.

Pas d’union civile à l’échelle nationale, encore moins de mariage et d’adoption par les couples de même sexe: en comparaison européenne, et même avec l’Europe du Sud, l’Italie affiche en effet un retard considérable dans ce domaine. Cerise sur le gâteau de la colère gay, la classe politique a enterré, le 26 juillet dernier, un projet de loi visant à condamner les actes homophobes. Le pays en aurait pourtant bien besoin à en croire les statistiques des agressions publiées par Arcigay. En 2010, on en recensait une centaine, l’année précédente près de 200, dont 17 homicides. Pas rare que des nazillons viennent casser du gay à la sortie des boîtes.

Or la communauté homosexuelle tient pour coupable une classe politique non seulement silencieuse, mais irresponsable dans ses propos. Le Cavaliere ne s’était pas privé de déclarer qu’il «vaut mieux aimer les jolies femmes que dêtre gay» et les dérapages de politiciens traitant les homosexuels de «malades» se conjuguent au pluriel. Cet archaïsme est partout. La télévision italienne est remplie de bimbos, mais elle censure encore les baisers homosexuels dans les fictions. Dans les Pouilles, l’administration publique avait réussi en mai dernier à déclarer un jeune gay inapte à conduire au motif de «graves pathologies menaçant la sécurité».


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